Propos recueillis par Philippe Foussier
(Entretien paru dans Le DDV n°682, mars 2021)
DDV : Vous plaidez pour un féminisme « universel » en insistant sur la distinction avec le terme « universaliste ». Pour quelle raison ?
Martine Storti : Pour être franche, j’ai hésité. Renoncer, peut-être provisoirement, à l’emploi du mot « universaliste » m’attriste. Mais je le fais pour deux raisons principales. Depuis quelques années, le féminisme universaliste est invoqué de manière répétitive non seulement par celles et ceux qui le défendent depuis toujours mais aussi par des courants politiques de droite et d’extrême droite qui, pendant des décennies, se sont toujours opposés aux luttes féministes. Davantage qu’un ralliement, j’y vois une instrumentalisation du féminisme dans une perspective identitaire, nationaliste et raciste. Identitaire et nationaliste, car l’émancipation des femmes est rabattue sur l’identité française, ce qui revient à nier son historicité et même à réécrire l’histoire. Certains se gargarisent de la France « patrie féminine » ou de la France pays de l’égalité entre les femmes et les hommes, mais c’est faux. L’émancipation des femmes relève de luttes pluriséculaires, de combats menés génération après génération qui ont rencontré nombre de difficultés et de résistances. Raciste aussi, car cette invocation sert à établir une distinction entre « eux » et « nous » : « chez nous », les femmes sont libres, il n’y a que « chez eux », c’est-à-dire dans les « quartiers » qu’elles ne le sont pas, c’est-à-dire là où une population d’origine africaine (noire ou arabe) est majoritaire. Et dans ce processus se construit une homogénéisation aussi bien du « nous » que du « eux ».
Article Premium
Pour y accéder sans restriction, achetez-le à l'unité !
Accéder à cet article
Accédez à cet article Premium en choisissant un de nos Packs Premium.Vous avez déjà effectué votre achat ? Cliquez sur "Lire".